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[Rétrovalue]Majin and the Forsaken Kingdom


Une aventure envoûtante


image d'illustration du dossier: Majin and the Forsaken Kingdom, Une aventure envoûtante

Un article de Tanuki

Croisé au détour d’une démo récupérée parmi d’autres, je n’attendais rien de vraiment exceptionnel de Majin and the Forsaken Kingdom lorsque je l’ai acheté il y a de cela de nombreux mois. J’avais apprécié la démo mais elle me semblait mettre en avant des caractéristiques parfois lourdes comme la lenteur des personnages ou le côté un peu brouillon de l’action. L’atmosphère qui s’en dégageait me faisait quand même de l’œil et avouons que les passages en revue sur Internet n’étaient pas non plus mauvais. Longtemps après avoir rangé le boîtier du DVD du jeu, je me décidai à le ressortir, à l’ouvrir et à enfourner le titre dans la Playstation 3. Pourquoi, alors que je possédais une myriade d’autres jeux ? Je n’en sais trop rien mais vous devez connaître ce sentiment qui vous fait parfois choisir un titre dans votre collection pour vous y mettre sans être capable de déterminer l’origine de votre choix. Vous devez également connaître ce sentiment de grande satisfaction, quand après quelques minutes de jeu vous vous apercevez de la pertinence de votre choix et que vous vous félicitez d’avoir suivi votre instinct ? Eh bien en ce qui me concerne, je me félicite d’avoir eu l’envie de jouer à Majin and the Forsaken Kingdom, un jour comme les autres, sans m’y attendre car c’est sans m’y attendre que j’ai éprouvé une grande satisfaction !

Scénario

Le monde est envahi par les ténèbres ! Dans l’obscurité qui se répand sans cesse, un individu pourtant subsiste. Ses particularités : avoir toujours vécu dans la forêt et parler aux animaux ! Ce sont justement ces dernières aptitudes pour le moins hors norme qui permettront à notre héros en devenir, sans nom au début de l’aventure et simplement appelé « humain » par ses amis du règne animal, de tenter de mettre un terme à l’expansion des ténèbres. Pour ce faire, ses amis à plumes et à poils lui ont indiqué un ancien château dans lequel doit résider une créature à même de rendre au monde ses couleurs et son harmonie : le Majin ! Après avoir pénétré dans l’imposante bâtisse, notre avatar s’apercevra vite qu’elle est elle-aussi envahie par les ombres, des monstres noirs, invincibles et qui hantent et pervertissent chaque lieu qu’elles occupent. Voleur dans son genre, le seul humain de l’aventure, le nôtre, parviendra au terme de quelques acrobaties et minutes de réflexion, à rejoindre le Majin. Celui-ci, imposant, n’est pourtant pas au meilleur de sa forme. Voila des siècles qu’il est retenu prisonnier dans une cage, tous ses pouvoirs ayant été volés par les ombres. La rencontre qui va avoir lieu sera le point de départ d’une forte amitié et d'une série de péripéties qui sauront à n’en pas douter émouvoir les joueurs les plus enclins à se laisser bercer par des contes. Le duo improbable parviendra-t-il à mettre fin au triomphe des ténèbres ? Il faudra les y aider pour cela, et le moins qu’on puisse dire c’est que l’envie ne nous manquera pas car l’intégralité du jeu nous y poussera de bien belle manière, tout comme le scénario.


Gameplay

Majin and the Forsaken Kingdom fait partie de ces titres que nous rêvions de voir apparaître jadis et qui survenaient parfois sous une forme très épurée. Je parle bien entendu des jeux permettant de contrôler un duo. Souvenez-vous comme certains softs étaient encensés par les rédactions presse jeu vidéo du monde entier lorsqu’ils introduisaient un système d’alternance entre personnages. Citons Final Fantasy 6 par exemple lorsque nous devions alterner les équipes en fin d’aventure pour progresser dans des dédales remplis d’interrupteurs. Plus tard, en particulier sur Playstation 2, quelques nouveautés permirent de vraiment se rendre compte à quel point le concept avait du potentiel. Ico en premier lieu fut une révélation. Depuis, ce sous-genre de l’action-aventure est retombé dans l’oubli, bien trop à notre goût. Il arrive pourtant parfois que des développeurs le remettent sur le devant de la scène. L’arlésienne The Last Guardian restera dans les annales pour avoir marqué l’histoire du jeu vidéo d’un titre que l’on n'en finit plus d’attendre et qui devrait (ou devait) normalement offrir une fois pour toutes ses lettres de noblesse à cette catégorie de jeu.

Majin and the Forsaken Kingdom aurait également pu le faire auparavant s’il n’avait pas manqué d’ambition. Mais pour en revenir à notre Majin, l’essentiel du gameplay consistera donc en un contrôle du duo « humain-Majin », et ceci afin non seulement de combattre mais également de résoudre des énigmes. Mettons tout de suite les choses au clair. Nous ne dirigerons réellement que Tepeu (prononcer « TÉPÉOU), notre avatar humain qui n’avait pas de nom mais qui sera très vite baptisé par Teotl, le Majin. Tepeu dispose d’une arme, une sorte de clé, celle qui était enfoncée dans le bras de Teotl en début d’aventure et qui l’ayant retenu des centaines d’années prisonnier, s’est imbibée de son pouvoir de force de la nature. Grâce à cette arme de circonstance, nous serons capable de mettre à mal les ombres sans quoi indestructibles. Immortelles et nombreuses, celles-ci demanderont pourtant souvent le concours de Teotl pour disparaître définitivement. Notre Majin, force de la lumière, peut en effet absorber les créatures des ténèbres et en débarrasser ainsi le monde une bonne fois pour toutes. Si l’absorption est automatique, les chances de vaincre seul sont pour l’un ou l’autre des « héros », trop minces pour être envisageables. Il faudra donc bien jouer en duo pour progresser. Pour ce faire, nous pourrons demander à Teotl d’attaquer ou de rester sur place, pendant que nous nous infiltrons par exemple, lentement, prenant à revers un ennemi avant de l’occire en respectant un timing des plus simples à la façon d’un QTE.

Là où les développeurs de Genji ont fait fort, c’est dans le fait que l’interaction avec le décor est souvent prise en compte pour varier les expériences de combat. Il sera possible de placer notre allié derrière certaines parois pour lui demander, via un menu accessible en « raccourcis » par la manette, de pousser ladite paroi et d’écraser les ennemis que nous aurons préalablement attirés au dessous. S’agissant d’une créature bénéficiant anciennement de pouvoirs magiques naturels, Teotl pourra également nous prêter main forte en utilisant des souffles ou des projections. Le feu, le vent, la foudre ou la pétrification de matières ténébreuses seront ainsi au rendez-vous. Il suffira de désigner un adversaire et de choisir le pouvoir à lui opposer pour que notre bedonnant support se dirige vers lui et tente de le brûler, de le faire s’envoler, de l’électrocuter ou de le pétrifier. Nous disons bien « tente » car il arrivera qu’un pouvoir passe à côté de sa cible. Fait volontaire ou petit bug, ceci ne posera pas de problème dans l’absolu car de la sorte les affrontements s’en retrouveront plus corsés et stratégiques. De plus, couplé au fait que l’utilisation de ces pouvoirs nécessite d’user des jauges dévolues aux procédés et à la possibilité d’atteindre plusieurs cibles en même temps, l’ensemble est parfaitement jouable et intéressant. Pour remplir ces jauges, il suffira de frapper à répétition des ennemis avec Tepeu.

Et il ne s’agit là que d’un petit tiers des possibilités offertes par le duo en ce qui concerne les batailles. En effet, Teotl peut se battre de son côté pendant que nous luttons du nôtre. En théorie, mieux vaut souvent jouer de concert et viser un même ennemi mais dans les faits, la foire d’empoignades nous pousse souvent à multiplier les cibles pour en venir à bout rapidement, d’autant qu’au fil de l’aventure les ennemis varieront pour offrir de nouvelles aptitudes propres à nous mettre des bâtons dans les roues. Nous aurons par exemple droit aux ennemis détectant notre présence au bruit, à ceux ayant une allonge démesurée, à ceux s’agrippant au dos du Majin pour l’empêcher d’agir, ou bien encore à ceux tirant des rayons vers vous si vous passez dans leur champ de vision. Teotl donc, peut se battre de son côté. Plus l’aventure passera et plus celui-ci deviendra puissant, apprenant de nouvelles techniques de corps à corps qu’il utilisera sans notre ordre et qui nous feront de plus en plus gagner du temps tout en permettant d’achever les malheureux qui en auront été victimes pendant qu’ils sont au sol. Le jeu propose effectivement de réaliser des attaques spéciales en appuyant sur le bouton rond de la manette lorsque nous approchons d’un ennemi frappé et gisant à terre. Il est même possible de réaliser une attaque conjointe avec Teotl pour être encore plus performant ou de cumuler de l’énergie dans une barre de combo pour déclencher une super attaque spéciale. Le summum de l’utilité de tout cela étant de générer plus ou moins de cristaux bleus ou rouges en fin d’affrontement. Ces cristaux sont essentiels à la progression puisqu’ils servent à améliorer respectivement la santé de Tepeu et le degré d’entente entre nos deux protagonistes.

Avec cette vue d’ensemble, le jeu paraîtrait déjà fort complet niveau interactions entre personnages et pourtant il reste des choses à dire ! Le Majin peut ainsi régénérer Tepeu à volonté ! Il suffit pour cela que ce dernier se tienne juste à côté du « monstre ». Bien entendu, il n’est pas envisageable de le faire face à une horde d’ennemis (qui réapparaissent au fil de l’aventure pour peu qu’on s’éloigne suffisamment de leur zone d’apparition) mais en ce qui concerne les boss, c’est une possibilité des plus nécessaires, à condition de trouver le temps de se mettre à couvert quelques secondes. L’interactivité se poursuit également du côté de la résolution d’énigmes puisque la progression, comme dans tout jeu du genre, est entravée par une multitude d’obstacles qu’un humain seul ne pourrait franchir. Les plus récurrents sont les portes qu’il faudra demander à Teotl de soulever. Mais se contenter d’en faire la demande serait bien trop simple ! La plupart de ces portes sont verrouillées par un loquet qu’il faudra retirer via des interrupteurs. Et comme chacun s’en doutera, ces interrupteurs sont eux-mêmes difficiles d’accès ! Tantôt en hauteur, tantôt camouflés derrière des murs à abattre via des catapultes, tantôt à atteindre en utilisant les pouvoirs naturels du Majin.

Avec Majin and the Forsaken Kingdom nous obtenons au final un jeu très complet d’un point de vue collaboration et gameplay. L’introduction du duo permet de renouveler « légèrement » des situations pourtant déjà maintes fois aperçues dans les jeux l’ayant précédé.


Durée de vie 

Plusieurs choses sont à prendre en compte pour parler de la durée de vie de MATFK (le petit nom de notre jeu). La première, purement technique, est en relation avec le gameplay. Game Republic a réussi, comme nous le disons en fin de paragraphe précédent, à imprimer un peu de fraîcheur à des situations pourtant « périmées » depuis longtemps. Le duo oblige à reproduire des actions effectuées un nombre incalculable de fois ailleurs mais d’une façon qui semble nouvelle, sans que ce ne soit pourtant le cas puisqu’encore une fois des jeux comme Ico étaient passés par là auparavant (mais avec une optique quelque peu différente). Le fait que très peu de jeux obligeant à ce type de collaboration existent finalement, permet à Majin de trouver son propre charisme. Il est donc tout à fait plaisant de manipuler à la fois Tepeu et Teotl en essayant de rester fluide. Et les situations, nous l’avons vu, ne manquent pas pour nous le permettre. Les phases de catapultes par exemple nous demandent de trouver des boulets et des les apporter jusqu’à l’engin, Teotl nous servant à relever le contrepoids de la machine pour que nous puissions y placer notre projectile dans la cuiller. Bien entendu, une bonne orientation de l’arme est requise mais si toutes les étapes sont coordonnées, nous pourrons débloquer des passages et même nous faire projeter vers eux. Dans un autre genre, Teotl pourra faire bouger quelques lourdes pierres suspendues en soufflant dessus, ceci nous permettant de nous en servir comme plates-formes mouvantes.

Les situations sont donc variées et puisque nous traversons des zones mettant chaque fois quelques nouveautés à l’ordre du jour, nous pouvons affirmer que la durée de vie part avec un certain avantage. Mais la traversée des zones sera également l’occasion de récupérer des coffres, souvent bien cachés et renfermant la plupart du temps des cristaux, d’obtenir des bribes de souvenirs -nous y reviendrons- et de se procurer une pièce d’équipement. Ces dernières sont également dans des coffres mais sont bien plus difficiles à dénicher que les boites standards. Il s’agira de gants, de couvre-chefs ou de vêtements possédant une caractéristique comme la résistance ou l’agilité et qu’il faudra équiper en les sélectionnant lors d’un passage devant les statues servant également de points de sauvegarde. Fort heureusement, comme pour tout ce qui est récupérable dans un espace défini (des portions de carte s’étendant globalement d’un point de sauvegarde à un autre), un menu du jeu permet de savoir ce que nous avons récupéré et combien il reste d’artefacts à conquérir. Mais attention, si cela est un vrai plus pour pouvoir espérer compléter le jeu à cent pour cent, ces indications ne sont jamais une source de facilité car rien d’autre n’est indiqué et il faudra avoir un bon sens de l’observation et surtout revenir plusieurs fois sur nos pas pour pouvoir tout récupérer puisque les pouvoirs de Teotl permettront chaque fois de découvrir de nouveaux petits passages jusqu’alors inaccessibles.

Ceci introduit donc la quête des pouvoirs du Majin. En début d’aventure, affaibli par sa captivité prolongée, notre esprit de la nature est faible et même très chétif. Ce n’est que grâce à Tepeu qu’il recouvrera la totalité de ses pouvoirs. Tout comme il nous faudra trouver des coffres, il nous faudra dénicher des « boules » de couleurs. Celles-ci permettront d’améliorer la force de notre compagnon, sa résistance ou ses pouvoirs. D’autres fruits, plus imposants que les premiers et nécessaires à la progression permettront quant à eux d’obtenir les aptitudes que nous avons déjà évoquées (feu, foudre etc). Venons-en aux bribes de souvenirs. Ces dernières, comme les coffres de cristaux, d’équipement ou les fruits secondaires, ne sont pas essentielles au titre. Elles permettent cependant d’obtenir la vraie fin du jeu, fin très largement différente de celle obtenue sans avoir récupéré tous les souvenirs du Majin et qui pour le coup mérite amplement qu’on passe de longues minutes à les trouver.

La fin en question rejoint la seconde caractéristique permettant au jeu d’améliorer sa durée de vie : la découverte du scénario et de ses mécaniques de niveaux. L’histoire du soft nous est contée au travers de scénettes courtes mais ponctuelles, survenant en particulier au pied d’arbres de lumière. Il y est question d’une narration parcellaire, fragmentée même, qui ne va jamais jusqu’au bout des explications en une seule fois et que l’on prend donc plaisir à suivre, avec avidité, curieux d’en apprendre et d’en comprendre plus. Chacune de ces scénettes nous donne quelques bribes d’informations sur le passé de Teotl et sans être catégorique, du moins jusqu’à la fin du jeu, nous permet de fabriquer notre propre histoire, à base de déductions, de suppositions et de pressentiments. C’est une façon de présenter les choses comme je les affectionne particulièrement, une bonne histoire devant rester mystérieuse et permettre le « fantasme » personnel, quitte à s’expliquer en tout dernier recours. Cette idée de fragmentation est reprise pour le level design. C’est là quelque chose de tout à fait commun mais qui reste une des valeurs essentielles du jeu vidéo : la progressivité des aptitudes et l’interaction avec l’univers. Étant découpé en zones, qu’on peut traverser relativement vite si l'on ne s’attarde qu’à la résolution d’énigmes, Majin and the Forsaken Kingdom permet de découvrir dans chacune une idée de gameplay différente. Bien entendu, tout finit par se mélanger pour donner un level design complexe et global mais la question de la progression est très bien abordée et participe à créer un jeu très évolutif et donc armé d’une bonne durée de vie, bien plus que bon nombre de titres modernes tournant en rond après un tiers de leur début. Bien entendu, cela s’accompagne également d’une certaine prévisibilité puisque nous savons que chaque nouveau lieu sera l’occasion d’une nouvelle mécanique mais c’est là un défaut inhérent à n’importe quel jeu, sans parler forcément des jeux vidéo : la prévisibilité.

Enfin, Tepeu et Teotl ne sauraient rester en notre compagnie si longtemps si la réalisation qui les accompagnait n’atteignait pas un certain degré d’excellence ! Mais ceci relève d’un tout nouveau paragraphe !


Réalisation

Majin and the Forsaken Kingdom aborde un thème presque jamais utilisé en jeu vidéo : la culture précolombienne ! Alors qu’on aura pu lire quelques tests de la presse spécialisée parlant d’ambiance orientale, la réalisation de Game Republic fait bien référence aux cultures Aztèque, Maya et d’une manière générale sud-Américaines ou reprenant l’idée d’une mère nature. J’en veux pour preuve que les lieux traversés se nomment Q'umarkaj, nom d’une antique cité Maya, que notre héros Tepeu est en fait « le souverain » en langage Maya et que Teotl est en réalité un principe religieux qu’on pourrait associer au principe de mana. Le postulat de départ de notre titre étant donc de verser dans les influences mésoaméricaines, nous pouvions nous attendre à l’utilisation d’une panoplie de représentations en rapport direct. Ceci aurait été valable si nous avions su au préalable quelles étaient les intentions des développeurs mais nous ne percevons celles-ci qu’en cours de jeu, assez tôt si l’on possède un minimum de culture historique mondiale. En l’état, nous tombons sur un jeu dont nous n’attendions pas une telle influence et nous en restons surpris. Mais ce qui étonne le plus, c’est le refus de ses créateurs à utiliser des clichés ! En lieu et place de bâtiments typiques, de zones géographiques historiques et d’images d’Epinal toutes relativement usées aujourd’hui, les géniteurs du Majin ont préféré jouer la carte de la subtilité. Ainsi, les noms seront les seuls véritables grosses ficelles révélant l’origine de l’inspiration des gens à l’origine de notre conte. Le reste sera suggéré par les graphismes des personnages et des ennemis, par les couleurs et par les scènes intermédiaires.

En premier lieu, Tepeu, personnage assez filiforme, est tout de blanc vêtu et si son design aura pu induire l’erreur de la culture orientale chez des testeurs peu attentifs, son aura, le tracé de son visage et les différentes tenues qu’il acquiert au cours de l’aventure, ne sont qu’une réplique, version humaine, au design de Teotl, particulièrement évocateur. Les characters designers voulaient très vraisemblablement offrir un monstre pataud et par suite forcément attachant. Sachant cela et même avec beaucoup de recul, il sera impossible de ne pas apprécier l’épais tas de fourrure noire à bouille d’enfant qu’ils auront mis au point. Teotl est un monstre gentil, qui donne l’illusion d’être attardé mais qui reste pourtant vif d’esprit et parfaitement adapté à son rôle. Ce dernier devait faire de lui une force de la nature aux sens propre et figuré et c’est ce qu’il est ! Une représentation naïve de la lumière, de la nature dans son esprit d’entité bienfaisante alliant rudesse et douceur. C’est bien simple, rarement un personnage n’aura été aussi charismatique dans ses attitudes, qu’elles soient faciales, gestuelles ou même passives. Accompagner Teotl c’est accompagner une sorte d’animal doué d’intelligence et de compassion, une sorte de rêve devenu réalité pour tous les grand enfants qui auront su garder leur âme, celle qui leur faisait écarquiller les yeux face à un E.T ou un Johnny 5.

Dès le début de l’aventure, les choses commençaient bien avec notre héros capable de dialoguer avec des animaux. Nous comprenions immédiatement que la nature allait rester au centre des considérations et notre arrivée dans le château retenant prisonnier le Majin ne faisait que confirmer que cette présence animale allait s’inscrire dans le thème plus général de la nature et des civilisations précolombiennes. Une fois sortis des ruines d’Arkela, nous avons confirmation de l’ensemble de nos pressentiments ! Le spectacle de milieux naturels s’offre au joueur qui pourra regretter de ne pas avoir essayé ce titre bien plus tôt. La nature occupe donc un espace prépondérant et plutôt que d’explorer des ruines fermées comme cela était le cas avec un Tomb Raider par exemple, le parti pris est ici de nous faire arpenter des vestiges à ciel ouvert, même si quelques passages en intérieur existent tout de même. Nous déambulerons donc dans des vallées, des forêts, des jardins royaux, sur des arbres, dans un port ou sur un gigantesque navire de guerre. Nous visiterons des mines, des fourneaux, des cavernes ou des collines. Et chaque fois nous aurons droit à quelques très belles utilisations de la lumière et des couleurs. Alors certes, il ne s’agira pas du plus beau jeu de la création et les techniques utilisées trahissent parfois un manque de moyens relatif mais l’ensemble se démarque des productions ternes, conventionnelles et surtout guerrières que l’avant dernière génération de consoles nous a apportées en masse. Ici, nous traversons des instants bucoliques, sereins et calmes.

Les phases de combat, pourtant nombreuses et finalement répétitives, ne font jamais pâtir le reste du jeu de leur présence. Les énigmes qui les précèdent ou qui s’ensuivent réinstallent des moments de Zen. La résolution de ces énigmes reste d’ailleurs assez différente dans le ressenti généré, du ressenti éprouvé dans un Tomb Raider encore une fois. Il s’agit plus de formalités pour aller de l’avant mais la satisfaction est tout autant appréciable surtout qu’elle nous permet d’assister régulièrement à des scènes de souvenirs. Ces dernières se déroulent au pied d’arbres de lumière magnifiques, ressemblant à des cerisiers en pleine floraison mais aux teintes splendides et irradiant de lumière. Teotl et Tepeu échangent alors quelques mots, timidement d’abord, ils apprennent à se connaître, avant d’en venir à des échanges de souvenirs par visions, très précis, toujours ouverts aux questionnements du joueur et toujours terriblement ancrés dans une représentation évoquant les cultures déjà mentionnées sans tomber dans le banal et le cliché. De fil en aiguille, un certain rythme répétitif pourra s’installer mais jamais le jeu ne lassera les joueurs qui prendront quelques minutes de leur temps pour admirer les nombreux cieux qui s’offrent à eux. Nimbés des rouges chatoyants des soleils couchants, transpercés des raies de pluie chutant de nuages aux teintes sombres du plus bel effet ou ponctués d’étoiles et d’objets filant dans la nuit pas tout à fait noire. Jamais le jeu ne lassera non plus celui qui, après avoir levé les yeux, saura les rabaisser pour admirer l’éclat des eaux miroitantes ou les facteurs de flare qui se diffuseront entre deux roches.

Enfin, les adversaires de notre duo s’inscrivent dans une parfaite continuité. Les ombres sont totalement indispensables à la mise en équilibre de l’univers proposé. Ils sont un moyen pertinent d’aborder un aspect ténébreux, plus éloigné du romantisme tout en l’affirmant. Leurs formes, surtout celles des ombres de base, sont dessinées avec talent et rappelleront à n’en pas douter les ombres de Heart of Darkness dans leur style et leur légitimité. Les ennemis plus coriaces, les boss sont sans doute moins originaux (bien que les ombres ne prétendent pas non plus à l’être totalement, nous parlons bien uniquement de ressenti par rapport à leur présence) mais leurs morts restent de grands moments de parfaite adéquation avec le monde créé. Il ressort de leur défaite quelque chose de pitoyable, de corrompu, en fort contraste avec la beauté et la tranquillité croisées pour parvenir jusqu’à eux. En un mot comme en cent, ces boss, d’anciens humains pervertis par leurs ambitions, leurs émotions, détonnent au milieu d’un jeu qui jusqu’à eux ne montre régulièrement que des bribes de cette tombée en disgrâce sous la forme des ombres, des ruines et des souvenirs de Teotl.

Nous ne continuerons pas plus loin ce petit déballage de sentiments d’amoureux de la nature, mais que ceux qui estiment pouvoir admirer la nature sous toutes ses formes, au travers d’un média comme le jeu vidéo, sachent que ce titre peut leur être destiné. Pour conclure, sachez qu’un autre aspect particulièrement intéressant de la réalisation de Majin and the Forsaken Kingdom, tient en la complicité des deux protagonistes principaux. Les deux entités s’encouragent et se félicitent mutuellement lorsqu’un passage ardu est franchi ou lorsqu’un groupe ennemi est vaincu. Tepeu apportant des fruits de pouvoir à Teotl est récompensé par la gourmandise visuelle du Majin qui se lèche les babines. Une porte trop lourde pour le monstre seul est l’occasion d’entendre ce dernier demander à son tour de l’aide au jeune humain. Quelques danses sont parfois exercées par les deux amis, achevant de donner à cette production un caractère jovial et d’épanouir le joueur dans le temps passé à arpenter paisiblement un titre qui se voulait vraiment être un conte.

Bande son

Une bande son riche de sonorités dans le même genre que les graphismes, c'est-à-dire tout en finesse, d’une bonne humeur communicative et surtout à même d’accompagner l’aventure par un surplus de sérénité que les quelques envolées plus combatives ne mettent pas souvent à mal. Mais si la bande son est exemplaire de par sa musique, elle ne l’est pas moins par son doublage et son écriture. Si les qualités de la seconde ne sont pas rares dans le jeu vidéo, la satisfaction apportée par la première l’est beaucoup plus ! Pour une fois, en français, le jeu ne prête pas à se crever le tympan pour ne plus pâtir du ridicule des voix entendues et mettre fin au sentiment de honte qu’elles nous font ressentir jusque dans les pores de notre peau ! Cette fois, écriture ET doublage français se mêlent enfin pour donner une profondeur à la réalisation. Je vous l’avais mentionné, Teotl « irradie » l’enfance et l’innocence. Ses dialogues accentuent encore cet effet et la façon dont il s’exprime ne peut qu’émouvoir l’auditeur qui y retrouvera une naïveté faisant souvent défaut au jeu vidéo moderne. Ses paroles manquent de ponctuation, de mots, utilisent des verbes à l’infinitif. Ses pensées s’expriment directement, sans retenue. Ses émotions s’en trouvent plus fortes, ses joies mais aussi et surtout ses regrets, sa tristesse, sa mélancolie. Le doubleur ayant joué son rôle peut être félicité car si la tâche n’avait rien d’insurmontable, elle fut réalisée avec conviction, ce qui nous le disions est rare. Les autres personnages, Tepeu ou les boss sont moindres dans leurs élans mais ils restent de grande qualité, assez pour être remarqués encore une fois. Le seul bémol de la bande son concernerait les animaux qui, malgré l’effort consenti pour varier leurs intonations et leurs timbres de voix, montrent que ce sont surtout des manipulations audio et des changements de « tessitures » improvisés qui furent utilisés pour en varier l’écoute.

Conclusion

Majin and the Forsaken Kingdom est pour moi un grand jeu ! Pas de ceux qu’on classerait immédiatement comme cultes mais de ceux qu’on redécouvrira dans dix ans ou plus quand il sera temps d’excaver quelques perles méconnues ou oubliées de l’ère Playstation 3. Il réside dans la réalisation de ce titre et dans son fond, dans son discours, pourtant naïf, un véritable esprit d’application et de volonté de montrer la nature et les sentiments humains comme beaux et antagonistes. Tout est dit avec simplicité, loin d’une philosophie recherchée mais ce titre, par cette prise de position à la fois manichéenne et réservant pourtant une surprise, reste l’expression actuelle de ce que le jeu vidéo faisait jadis. Si je devais faire une comparaison, j’oserais celle de la chevauchée de Link sur Epona, dans les grands espaces d’Hyrule. Du lyrisme, du romantisme, de l’héroïsme et surtout de la simplicité. Bref, de l’aventure et de la contemplation façon jeu vidéo, dotées d’une excellente durée de vie et d’une replay value envisageable si l'on ne s’est pas appliqué lors d’un premier passage à récupérer tout ce qui pouvait l’être!




Article publié le 28/05/2014

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